RÉFORME PÉNALE : LA NOUVELLE PEINE DE CONTRAINTE PÉNALE

RÉFORME PÉNALE : LA NOUVELLE PEINE DE CONTRAINTE PÉNALE

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La contrainte pénale est une nouvelle peine qui a été instituée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. La contrainte pénale est une peine de probation issue des recommandations de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive. La contrainte pénale est prévue par les articles 131-3, 2° et suivants du code pénal, 713-42 et suivants du code de procédure pénale, ainsi que l’article 20-4 de l’ordonnance de 1945 n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Elle entrera en vigueur le 1er octobre 2014.

Afin d’appréhender au mieux la contrainte pénale, il convient de définir cette nouvelle peine (1) et d’étudier ses conditions (2), avant d’appréhender ses règles procédurales spécifiques (3). Il est également nécessaire d’aborder la sanction prévue en cas d’inobservation de cette peine (4) ainsi que l’hypothèse de sa fin anticipée (5).

L’article 131-4-1 du code pénal dispose que « la contrainte pénale emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société ».

Ainsi, la contrainte pénale est un « contenant » qui emprunte son « contenu » aux mesures de placement sous main de Justice existantes ; et plus particulièrement au régime de la mise à l’épreuve qui peut assortir un sursis. Il s’agit d’une peine de probation sans référence à l’incarcération, outre en cas d’inobservation de la mesure.

Tout comme la mise à l’épreuve, le condamné est obligatoirement astreint aux mesures de contrôle prévues par l’article 132-44 du code pénal.

Peuvent également être prononcées à son encontre des mesures complémentaires : il s’agit des obligations et interdictions particulières prévues par l’article 132-45 du code pénal, des mesures d’aide prévues par l’article 132-46 du code pénal, outre le travail d’intérêt général (article 131-8 du code pénal) et l’injonction de soins (article L. 3711-1 et suivants du code de la santé publique).

Deux conditions doivent être remplies afin de condamner un prévenu à une contrainte pénale.

La première est que la contrainte pénale ne peut être prononcée que lorsque les faits, la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu.

La seconde est que la contrainte pénale ne peut être prononcée qu’en cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. En l’état, la loi prévoit que cette condition sera supprimée au 1er janvier 2017 ; à ce titre l’article 20 de la présente loi dispose que « dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement étudiant la possibilité de sanctionner certains délits d’une contrainte pénale à titre de peine principale, en supprimant la peine d’emprisonnement encourue, et évaluant les effets possibles d’une telle évolution sur les condamnations prononcées ainsi que ses conséquences sur la procédure pénale ».

3.1. S’agissant du prononcé de la contrainte pénale et de la détermination de son contenu

La procédure varie selon que la juridiction de jugement dispose ou non d’éléments d’information suffisants sur la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

Si la juridiction de jugement dispose d’éléments d’information suffisants sur la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné, le prononcé de la contrainte pénale se déroule en deux étapes.

1. La première étape a lieu lors de l’audience de jugement, à l’occasion de laquelle la juridiction prononce la contrainte pénale, fixe les obligations et interdictions particulières, ainsi que la durée de l’emprisonnement encouru en cas d’inobservation de la contrainte pénale ou de condamnation à une peine privative de liberté ferme (avec la double limite suivante : maximum de la peine encourue et, en toutes hypothèses, maximum deux ans). Si le condamné est présent, la juridiction lui notifie les obligations ainsi que la sanction en cas d’inobservation ou de condamnation à une peine privative de liberté sans sursis.

2. La seconde étape a lieu devant le juge de l’application des peines qui fixe les mesures d’aide et peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions particulières. Par ailleurs, il peut modifier ces mesures à tout moment de l’exécution de la contrainte pénale.

Si la juridiction de jugement ne dispose pas d’éléments d’information suffisants, le prononcé de la contrainte pénale se déroule alors en trois étapes.

1. La première étape a également lieu lors de l’audience de jugement à l’occasion de laquelle la juridiction prononce la contrainte pénale et fixe la durée de l’emprisonnement encouru en cas d’inobservation de la contrainte pénale ou de condamnation à une peine privative de liberté ferme (avec la même double limite). En revanche, elle ne fixe pas le contenu de la contrainte pénale et ne notifie donc ni le contenu de la contrainte pénale ni la sanction en cas d’inobservation de celle-ci ou de condamnation à une peine privative de liberté sans sursis.

2. La deuxième étape est diligentée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui évalue la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné et adresse au juge de l’application des peines, à l’issue de l’évaluation, un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en œuvre de la contrainte pénale.

3. La troisième étape est donc mise en œuvre par le juge de l’application des peines à qui il revient de fixer, par ordonnance motivée et dans un délai maximum de quatre mois suivant le jugement de condamnation, les obligations et interdictions particulières, ainsi que les mesures d’aide, et ce, après réquisitions écrites du procureur de la République et après avoir entendu les observations du condamné et, le cas échant, celles de son avocat. Le juge notifie au condamné l’ordonnance, la réévaluation ultérieure de sa situation, ainsi que la sanction en cas d’inobservation de la contrainte pénale ou de condamnation à une peine privative de liberté ferme.

3.2. S’agissant de l’exécution de la contrainte pénale

Le SPIP et le juge de l’application des peines réévaluent la situation du condamné chaque fois que nécessaire au cours de l’exécution de la contrainte pénale et au minimum une fois par an.

Au vu de chaque réévaluation, le juge de l’application des peines peut modifier, compléter ou supprimer chacune des mesures dont le condamné fait l’objet, par ordonnance motivée (sauf opposition du procureur de la République requérant que la décision soit prise par jugement après un débat contradictoire) et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échant, celles de son avocat.

Le juge de l’application des peines peut, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, procéder à un rappel du contenu de la contrainte pénale ainsi que modifier ou compléter le contenu de la contrainte pénale.

Si cela s’avère insuffisant, il peut saisir par requête motivée le Président du tribunal de grande instance, ou un juge désigné par lui, aux fins de mise à exécution totale ou partielle de l’emprisonnement encouru. Il peut dans ce cadre ordonner l’incarcération provisoire du condamné, en vertu des premier et deuxième alinéas de l’article 712-19 du code de procédure pénale. Si le juge saisi décide de mettre l’emprisonnement à exécution, il en fixe la durée – qui ne peut excéder celle fixée par la juridiction de jugement – ainsi que les modalités (incarcération, semi-liberté, placement à l’extérieur ou placement sous surveillance électronique), et ce, après un débat contradictoire public conformément aux dispositions de l’article 712-6 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, en cas d’incarcération du condamné, l’exécution de la contrainte pénale est suspendue le temps de l’exécution de la peine privative de liberté, sauf lorsque l’emprisonnement encouru est mis à exécution.

Le nouvel article 713-45 du code de procédure pénale dispose que « si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant au moins un an, que son reclassement paraît acquis et qu’aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le juge de l’application des peines peut, par ordonnance rendue selon les modalités prévues à l’article 712-8, sur réquisitions conformes du procureur de la République, décider de mettre fin de façon anticipée à la peine de contrainte pénale. En l’absence d’accord du ministère public, le juge de l’application des peines peut saisir à cette fin, par requête motivée, le président du tribunal ou un juge par lui désigné, qui statue à la suite d’un débat contradictoire public en application de l’article 712-6. En cas de refus opposé à cette première demande, une autre demande ne peut être présentée qu’une année après cette décision de refus. Il en est de même, éventuellement, des demandes ultérieures ».

Pascal ROUILLER & Jean de BARY

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