LE PROFESSIONNEL DOIT REFUSER D’EXÉCUTER DES TRAVAUX INEFFICACES
LE PROFESSIONNEL DOIT REFUSER D’EXÉCUTER DES TRAVAUX INEFFICACES
Si l’entrepreneur veille à prévenir, par écrit, le maître d’ouvrage du caractère inefficace des travaux, il peut penser qu’il évitera d’engager sa responsabilité puisque le maître d’ouvrage, son client, aura accepté de prendre le risque de travaux qui lui coûteront moins cher, mais dont il aura été informé de leur caractère inefficace : le maître d’ouvrage en aura eu pour son argent et rien de plus.
L’arrêt qui est reproduit ci-dessous doit conduire l’artisan à se montrer extrêmement prudent dans une telle hypothèse, car pour les juges, il ne suffit pas de se prévaloir de la volonté du client dûment averti de l’efficacité des travaux pour éviter d’être condamné dans le cas où précisément et conformément à la prévision du professionnel ces travaux se révéleraient être source de désordres.
Par l’attendu qui est reproduit en gras et souligné, la Cour de Cassation considère en effet qu’il appartient au professionnel « de faire des travaux conformes aux règles de l’art et d’accomplir son travail avec sérieux », et surtout, qui lui appartient « de refuser d’exécuter des travaux (qu’il) savait inefficaces ».
Pourtant, le professionnel avait pris le soin, sur son devis le moins élevé , après refus du premier devis par le maître d’ouvrage par souci d’économie, de mentionner le fait que les travaux ainsi commandés ne seraient pas garantis. Il s’agissait de travaux sur une toiture, dont le caractère vétuste général aurait dû conduire à une réfection totale et non à des travaux ponctuels de réparations.
La Cour de cassation considère que malgré l’avertissement donné au maître d’ouvrage, l’entrepreneur engage sa responsabilité.
On notera toutefois que les travaux avaient été réalisés à l’initiative du propriétaire peu avant la vente de l’immeuble, de sorte que c’est l’acquéreur qui était victime de la volonté du propriétaire précédent de faire des économies sur les travaux de la structure de l’immeuble qu’il s’apprêtait à vendre. Peut-être la Cour de Cassation a-t-elle été sensible à ces circonstances particulières.
Civ. 3ème, 21 mai 2014 (n°13-16.855)
« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 janvier 2013), que la société civile immobilière Suzanne (la société Suzanne) a vendu une maison à la société civile immobilière RDRE (la société RDRE) ; que l’acte, auquel était joint un devis établi par la société SEP services et prestations (la société SEP) le 26 juillet 2001, prévoyait des travaux de remise en état de la toiture et des travaux d’intérieur à la charge de la venderesse ; que la vente définitive a été conclue après achèvement des travaux ; que, se plaignant d’infiltrations, la société RDRE a, après expertise, assigné la société Suzanne et la société SEP en indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que la société SEP fait grief à l’arrêt de la condamner in solidum avec la société Suzanne à payer certaines sommes à la société RDRE alors, selon le moyen :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SEP aux dépens ;Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société SEP à payer à la société RDRE la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société SEP ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quatorze. »