LA GARANTIE DE BON FONCTIONNEMENT :
UNE GARANTIE RÉSIDUELLE ?

Intervention de Christophe BUFFET

I
Intervention de Christophe BUFFET dans le cadre du premier colloque de droit de la construction intitulé « Construire : c’est garantir ? » et organisé par l’Ordre des avocats du Barreau d’Angers. Il s’est tenu le vendredi 14 novembre 2014 au centre de congrès d’Angers.
En détails

L’article 1792-3 du Code civil :

« Les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception. »

Qui renvoie lui-même à l’article 1792-2 du Code civil :

« La présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert.

Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »

Lequel renvoie lui-même à l’article 1792 du Code civil.

La garantie concerne tout ouvrage immobilier impliquant des travaux de construction, même s’il ne s’agit pas d’un bâtiment, depuis la réforme de l’ordonnance du 8 juin 2005 qui a supprimé la référence à la notion de bâtiment.

Selon l’article 1792-1 du Code civil ce sont les constructeurs au sens de cet article :

« Est réputé constructeur de l’ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage. »

 C’est aussi selon l’article 1792-4 du Code civil :

« Le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré.

Sont assimilés à des fabricants pour l’application du présent article :

Celui qui a importé un ouvrage, une partie d’ouvrage ou un élément d’équipement fabriqué à l’étranger ;

Celui qui l’a présenté comme son oeuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque de fabrique ou tout autre signe distinctif. »

Les équipements qui font l’objet de la garantie de bon fonctionnement sont définis par opposition aux éléments d’équipement de l’ouvrage qui font eux-mêmes l’objet de la garantie décennale. C’est le sens de la formule « les autres éléments d’équipement de l’ouvrage … » de l’article 1792-3 du Code civil.

Ce sont donc les équipements atteints d’un dommage qui affecte un élément d’équipement non indissociable (autrement dit dissociable) de l’ouvrage, le dommage ne devant porter atteinte ni à la solidité ni à la destination de l’immeuble.

Ainsi, un dommage qui porte atteinte à la destination de l’immeuble relèvera de la garantie décennale.

La notion d’élément dissociable est définie a contrario par l’article 1792-2 du Code civil :

« Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »

Ainsi, l’élément dissociable est celui dont la dépose, le démontage ou le remplacement peut s’effectuer sans détérioration enlèvement de matière de l’ouvrage.

Voici quelques exemples d’éléments dissociables :

  • Un interphone.
  • Un chauffe eau mural.
  • Une pompe à chaleur et une chaudière à bois.
  • Des douchettes.
  • Un plafond suspendu.
  • Des doubles vitrages.
  • D’une manière générale, des équipements mécaniques ou électriques tels que des appareils de ventilation.
  • Des plaques électriques de cuisson.
  • Un revêtement de façade en plastique épais destiné à décorer un immeuble et non à assurer son étanchéité.
  • Des ballons d’eau chaude.
  • Des portes et fenêtres.
  • Des panneaux de revêtements des murs d’un hôpital.
  • Des cloisons mobiles.
  • Des éléments de cuisines préfabriquées installées sous une paillasse.
  • Des gouttières et des crochets qui les soutiennent.
  • Un système de sonorisation.
  • Des carrelages qui sont simplement collés et qui présentent des fissures, mais cette jurisprudence semble être aujourd’hui remise en cause par la Cour de Cassation qui considère par un arrêt récent du 13 février 2013 que le dallage collé ne constitue pas un élément d’équipement dissociable soumis à la garantie de bon fonctionnement et ne relève que de la responsabilité contractuelle de droit commun. la Cour de Cassation a rendu un autre arrêt du 11 septembre 2013 par lequel elle exclut la garantie de bon fonctionnement pour un carrelage au motif qu’il ne s’agit pas d’un élément « destiné à fonctionner ».

Le cas des moquettes semble être discuté, certaines juridictions considérant qu’il s’agit d’équipements dissociables, mais la Cour de cassation considère que les moquettes et les tissus tendus ne sont pas les éléments d’équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement et ne relèvent que de la responsabilité contractuelle de droit commun (Arrêt du 30 novembre 2011).

 Ne constituent pas des éléments dissociables :

Oui, en vertu du principe selon lequel « même s’ils ont comme origine une non-conformité aux stipulations contractuelles, les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun » (Arrêt du 25 janvier 1989).

Une conséquence importante de cette analyse est que cette action qui se prescrit par deux ans ne pourra pas être remplacée par une action en non-conformité qui se prescrit par 5 ans.

La garantie de bon fonctionnement ne fait pas l’objet d’une assurance obligatoire, comme la garantie décennale. Il s’agit d’une assurance facultative. Le maître d’ouvrage doit donc vérifier si l’assurance en question a été souscrite par le débiteur de la garantie de bon fonctionnement.

L’article L. 241-1 du Codes des assurances dispose en effet que :

« Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

A l’ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu’elle a souscrit un contrat d’assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l’obtention d’un marché public doit être en mesure de justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance le couvrant pour cette responsabilité.

Tout contrat d’assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l’obligation d’assurance. »

Depuis l’ordonnance du 8 janvier 2005,la garantie biennale de bon fonctionnement ne s’applique pas aux éléments d’équipement y compris leurs accessoires dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.

Le délai légal est d’ordre public. Il pourrait être allongé contractuellement, mais il ne peut pas être réduit.

Le cas des éléments d’équipements dissociables simplement adjoints à un ouvrage existant.

La Cour de cassation juge que « la garantie de bon fonctionnement d’une durée de deux ans à compter de la réception de l’ouvrage ne concerne pas les éléments d’équipement dissociables seulement adjoints à un ouvrage existant » (Arrêt du 10 décembre 2003).

Ce principe a été appliqué en particulier à une installation de climatisation dans le local déjà construit d’un laboratoire de métrologie d’une usine, qui n’avait nécessité aucuns travaux de bâtiment.

C’est le même principe qui a été appliqué par un autre arrêt dans le cas de la mise en oeuvre d’un revêtement dont le produit et la technique employée n’ont entraîné aucune atteinte ou modification sur la surface et et qui avait été réalisé sur un ouvrage déjà achevé (Arrêt du 18 janvier 2006).

De même encore ce principe a été appliqué au remplacement d’un carrelage sur un ouvrage déjà construit (Arrêt du 26 mai 2010).

Dans ce cas c’est la responsabilité contractuelle classique qui doit être appliquée.

L’articulation entre la garantie de bon fonctionnement et la garantie décennale.

a. Si l’élément est dissociable et que le désordre qui l’affecte rend l’ouvrage impropre à sa destination, la garantie décennale est engagée (Arrêt du 11 juin 2014).

Ce principe a été appliqué en particulier à une installation domotique (Arrêt du 26 février 2003), . Il a été appliqué à une souche de cheminée (Arrêt du 7 mai 1994) et à des défauts de canalisation d’une piscine (Arrêt du 25 mars 2014).

b. Si le désordre a pour effet de porter atteinte à la solidité de l’élément d’équipement seulement, et que l’élément est indissociable, alors l’action relèvera de la garantie décennale en application de l’article 1792-2 du Code civil.

c. Si le désordre n’a pas pour effet de porter atteinte à la solidité de l’élément d’équipement ou à la destination de l’immeuble, et que l’élément est indissociable, alors l’action relèvera de responsabilité contractuelle (dommage intermédiaire).

d. Si l’élément est dissociable et que le désordre a pour effet de porter atteinte à la solidité de cet élément et plus généralement à son foctionnement, c’est la garantie biennale de bon fonctionnement qui doit être invoquée.

e. Si le désordre atteint un élément d’équipement qui n’est pas destiné à fonctionner ou ne relève pas du régime de la garantie de bon fonctionnement, c’est la responsabilité contractuelle qui est en cause.

f. Si les désordres ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendent impropre à sa destination, affectant un élément dissociable de l’immeuble, non destiné à fonctionner ils relèvent de la garantie de droit commun (Arrêt du 11 septembre 2013).

Un auteur spécialiste du droit de la construction, Maître KARILA relève le rôle résiduel de la garantie de bon fonctionnement.

Plusieurs raisons l’expliquent.

La fait qu’il n’existe pas d’assurance obligatoire : les plaideurs maîtres d’ouvrage préfèrent invoquer la garantie décennale qui permet d’agir contre l’assureur.

Le fait que les désordres liés à des équipements dissociables rentrent dans la garantie décennale dès lors que les désordres rendent l’ouvrage impropre à sa destination dans son ensemble : les plaideurs ont une tendance naturelle à le soutenir.

Le fait que si le désordre lié à un élément d’équipement dissociable ne rend pas l’ouvrage impropre dans son ensemble à sa destination, la garantie de bon fonctionnement est exclue et c’est alors le droit commun de la responsabilité contractuelle qui est retenue.

Le fait que les éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ne relèvent pas de la garantie de bon fonctionnement.

Le fait que c’est aussi la responsabilité contractuelle de droit commun qui s’applique dans le cas d’un désordre lié à un élément d’équipement adjoint à un ouvrage existant.

Le fait que la jurisprudence semble ne retenir que les éléments qui « fonctionnent » et non les éléments inertes (tissus tendus, moquettes, carrelages), et exclut la peinture et les enduits.

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