De la graine au chêne : L’ouverture de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) devant la cour d’appel

La procédure de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (appelée ci-après CRPC) a été introduite en 2004, aux articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale (ci-après CPP). Initialement, son application était limitée aux délits dont la peine principale encourue était une amende, ou une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq années, à l’exception des délits de presse, de délits d’homicide involontaire, de délits politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale, ainsi qu’aux mineurs (art. 495-16 du CPP). En 2011, son champ d’application a été élargi à tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés précédemment, ainsi qu’aux délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans (par exemple : agression sexuelle sur mineur de 15 ans ; violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours commises avec usage ou menace d’une arme et en réunion.)

La CRPC peut être à l’initiative du ministère public qui, ayant l’opportunité des poursuites, peut convoquer toute personne à cette fin ou déférée devant lui, si elle reconnaît les faits reprochés. Le prévenu, ou son avocat, peut lui aussi avoir recours à cette procédure et indiquer au procureur de la République, qu’il reconnaît les faits et en sollicite l’application. Son objectif : juger plus rapidement les délits simples et peu complexes du quotidien, afin de laisser les infractions plus importantes ou plus complexes aux audiences « classiques », évitant ainsi des surcharges de plus en plus nombreuses, des journées de plus en plus longues, et des délais de plus en plus lointains. Le recours à cette procédure a largement augmenté au cours de la dernière décennie, concernant 120 394 personnes en 2023 contre 85 142 en 2014 (source : rapport de la mission d’urgence sur l’audiencement criminel et correctionnel remis au Garde des Sceaux le 07 mars 2025).  Son importance est telle que la Loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, dite loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, a apporté une innovation majeure : son ouverture en cause d’appel.

1. Quelle est la procédure ?

L’article 495-15 du code de procédure pénale dispose désormais :

« Le présent article est applicable au prévenu condamné par le tribunal correctionnel qui a formé appel en limitant la portée de celui-ci aux peines prononcées, lors de la déclaration d’appel ou ultérieurement. Les attributions confiées au procureur de la République et au président du tribunal ou à son délégué par la présente section sont alors exercées respectivement par le procureur général et par le président de la chambre des appels correctionnels ou son délégué »

Pour bénéficier de cette procédure, le justiciable doit avoir été condamné par un tribunal correctionnel, et avoir interjeté appel de ce jugement, uniquement sur la peine, reconnaissant donc sa culpabilité. Cette condition coule de source étant donné que la CRPC exige la reconnaissance des faits par le prévenu.

Une fois ces conditions réunies, l’appelant, par lui-même ou par l’intermédiaire de son avocat, peut indiquer, par un courrier strictement confidentiel, au procureur général (en matière d’appel, le ministère public est représenté par le procureur général, et non le procureur de la République) qu’il reconnaît les faits reprochés et demander l’application de cette procédure, et cela, tant que l’affaire n’a pas été examinée sur le fond. L’ouverture de cette procédure permet au justiciable et au ministère public d’étudier la situation rapidement, et éviter ainsi un délai d’attente et de jugement trop long, surtout dans le contexte actuel où les cours d’appel sont saturées. En cas d’issue favorable à cette procédure, le président de la chambre des appels correctionnels (chambre de la cour d’appel en charge d’étudier les dossiers jugés par le Tribunal correctionnel) peut homologuer la ou les peine(s) proposée(s) et acceptée(s), celle(s)-ci devenant par conséquent définitive et exécutoire.  

Attention : Le président a un pouvoir discrétionnaire sur l’homologation de la peine. Il peut accepter, ou refuser s’il estime que « la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime entendue en application de l’article 495-13 apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur. » – (article 495-11-1 du code de procédure pénal)

2. J’ai été condamné en CRPC et j’ai interjeté appel de l’ordonnance, puis-je bénéficier de cette même procédure en appel ?

La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 06 juin 2023 où elle a indiqué que la procédure de CRPC en appel est applicable qu’à la personne condamnée par le Tribunal correctionnel, et ayant interjeté appel uniquement sur la peine. La condamnation en CRPC au premier degré, étant une ordonnance rendue par le président du Tribunal judiciaire, ou par son délégué, n’est pas un jugement de condamnation prononcé par le Tribunal correctionnel, de sorte que celui-ci ne pourra bénéficier à nouveau de cette procédure, même s’il reconnaît sa culpabilité (Cass.Crim. ; 6 juin 2023 ; n°22-86.165).

3. La procédure de CRPC en appel a échoué et je suis convoqué devant la chambre des appels correctionnels : peut-on faire état de la procédure devant cette juridiction ?

Non ! La procédure est strictement confidentielle, en première instance comme en appel, conformément à l’article 495-14 du code de procédure pénale qui dispose :

« Lorsque la personne n’a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui n’a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction d’instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure. »

***

Plus de vingt ans après son entrée en vigueur, la petite graine qu’était la CRPC est devenue un chêne avec un tronc solide au sein de la procédure pénale, dont les branches s’étendent sur la quasi-totalité des délits, et bientôt, peut-être, dans la matière criminelle. Le Président du tribunal judiciaire de PARIS, le 23 janvier 2024 à l’occasion de son discours prononcé lors de la rentrée annuelle, avait proposé une réflexion sur l’ouverture de la CRPC à la matière criminelle. Plus d’un an après, par une lettre adressée aux magistrats et aux agents, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Gérald DARMANIN, a annoncé sa volonté de mettre en œuvre cette extension, en s’appuyant sur le rapport gouvernemental qui lui a été remis. Après le jugement des délits, puis son ouverture devant la cour d’appel, la CRPC sera-t-elle étendue à la matière criminelle ?

Affaire à suivre…

Jérôme VINCENT, élève-avocat

Sous la supervision de Maîtres Sandra CHIRAC-KOLLARIK & Pascal ROUILLER

jerome.vincent@acr-avocats.com

Tél : 02 41 81 16 13

Notre équipe droit pénal est à votre disposition pour approfondir avec vous ces thématiques.

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